Évangile selon Luc 11, 1-13


Tête de Christ
Tête de Christ

(1655, attribué à Rembrandt)
Culte du dimanche 28 juillet 2013
A l'Eglise Protestante Unie de Grasse (06)

Lire le texte biblique : Luc 11, 1-13

Prédication :

En lisant la Bible, plusieurs points étonnent au sujet de la prière du Notre Père. En effet, cette prière est absente des Évangiles selon Marc et selon Jean, elle n'est présente que dans les Évangiles selon Matthieu et selon Luc. Mais ces deux Évangiles rapportent cette prière sous deux versions différentes.
D'un côté, l'Évangéliste Matthieu en rapporte une version longue, plus travaillée (qui aurait été enrichie par les premières communautés chrétiennes pour un usage liturgique).
De l'autre côté, l'Évangéliste Luc en rapporte une version courte, plus dépouillée (qui aurait été révisée par Marcion au milieu du IIème siècle).
Intéressons-nous à la version courte et à notre texte du jour extrait de l'Évangile selon Luc.

Dès la première phrase, Jésus prie. En effet, les Évangiles racontent que Jésus priait souvent et qu'il le faisait dans des lieux à l'écart. Au préalable, Jésus se mettait à part, comme une nécessité et un besoin : loin des regards des hommes et des bruits de la société. Jésus se mettait complètement à part, même vis-à-vis de ses disciples. Cela signifie pour nous qu'il faut aussi nous mettre à part pour prier. Mais il ne suffit pas de faire en sorte d'être tout seul dans un coin et de faire le vide autour de soi. Il est aussi nécessaire de se rendre entièrement disponible pour la prière, de faire le vide en soi, dans sa tête comme dans son corps. Oui, il faut se décharger de nos fardeaux accumulés dans la journée, se défaire de toutes nos préoccupations qui nous submergent, se débarrasser de tout le superflus qui nous encombre.

La préparation à la prière étant vue, nous pouvons étudier la prière elle-même du « Notre Père », ou plutôt la prière du « Père » sans le « Notre ». Car dans la version de l'Évangéliste Luc, Jésus commence sa prière simplement par « Πάτερ - Père ». Ainsi, sans le « Notre », il s'adresse à Dieu dans une relation personnelle, entre lui et Dieu. Et en disant « Père », Jésus établit une relation filiale, comme entre un fils et son père. Pour Jésus, Dieu est à la fois le « Père créateur », celui qui nous créé et nous donne vie, le « Père éducateur », celui qui nous éduque par sa loi et son projet pour notre vie, le « Père aimant », celui qui nous aime tel que nous sommes et nous vivons.

D'abord, la prière que Jésus adresse à Dieu comporte deux premières demandes qui concernent Dieu lui-même.

1ère demande « ἁγιασθήτω τὸ ὄνομά σου - soit sanctifié le nom de toi » : Dans la tradition hébraïque, le nom de Dieu ne se prononce pas. Il s'écrit en hébreu avec les 4 consonnes « iod-hé-waw-hé » non vocalisées ou en lettres latines « YHWH », mais il ne se prononce jamais. Lorsque le lecteur de la Bible Hébraïque rencontre ce tétragramme, il ne le prononce pas et dit « Adonaï » un autre nom qui signifie « Seigneur ». Et il ne faut surtout pas dire « Jéhovah », qui est une vocalisation du tétragramme et donc contraire à la tradition hébraïque ! Le nom de Dieu ne se prononçant pas, il est de fait différentié des noms donnés aux humains, il est complètement à part. Justement, dans la Bible, le mot « saint » signifie « être à part » et le verbe « sanctifier » signifie « mettre à part ». Ceci est bien différent de leur signification donnée par la tradition chrétienne. Non, le mot biblique « saint » ne véhicule pas l'idée de divin, de vénérable, de pur, de parfait, mais simplement d'être à part. Donc le nom de Dieu est à part et doit le rester.

2ème demande « Ἐλθέτω ἡ βασιλεία σου : que vienne le règne ou le royaume de toi » : L'objet de cette demande n'est pas que Dieu impose son règne ou royaume et nous envahisse en imposant sa loi, mais plutôt que Dieu s'installe dans nos vies, et que sa volonté imprègne nos sociétés.

Ensuite, la prière que Jésus adresse à Dieu comporte trois autres demandes qui concernent les hommes, exprimées avec le « nous ».

3ème demande « Τὸν ἄρτον ἡμῶν τὸν ἐπιούσιον δίδου ἡμῖν τὸ καθ’ ἡμέραν : donne à nous le pain de nous du jour, jour après jour » : De quel pain s'agit-il ? Est-ce une demande matérielle ou spirituelle ? La tradition chrétienne apporte plusieurs réponses selon les sensibilités. Voici une réponse possible. La relation qu'établit Jésus avec son Père est spirituelle et non matérielle. Jésus ne demande pas à manger ou à subvenir à ses besoins vitaux. Dans notre prière, lorsque nous demandons ce pain, nous demandons à Dieu que notre foi soit nourrie par sa parole, sa présence, sa volonté. En réponse, Dieu nous envoie son Esprit (verset 13).

4ème demande, composée de deux parties :
- Première partie « Καὶ ἄφες ἡμῖν τὰς ἁμαρτίας ἡμῶν - et remets à nous les péchés de nous ». La première partie de la demande concerne la relation entre l'homme et Dieu. Il s'agit de demander à Dieu de remettre et d'effacer les dettes que nous avons envers lui, c'est-à-dire de pardonner nos péchés envers lui. Dans sa miséricorde infinie et sa grâce inconditionnelle, Dieu nous donne l'assurance de nous pardonner.
- Seconde partie « αὐτοὶ ἀφίεμεν παντὶ ὀφείλοντι ἡμῖν - nous-mêmes remettons à chaque débiteur de nous ». La seconde partie de la demande concerne la relation entre les hommes. Il s'agit pour chacun de nous de remettre et d'effacer les dettes que les autres ont envers nous, c'est-à-dire de pardonner les fautes et offenses commises envers nous.
- Restent à lier ensemble les deux parties. Le texte comporte deux mots « καὶ – et / aussi / même, γὰρ – car / en effet / donc ». La liaison entre les deux parties est subtile, car la traduction est sujette à interprétation. Il n'est pas certain que cette liaison comporte une hiérarchie, avec une cause et une conséquence. En fait, les deux parties sont bien liées, mais ne sont pas du tout au même niveau de pardon : la première demande concerne le pardon du péché de l'homme envers Dieu et la seconde demande concerne le pardon de la faute entre les hommes. La miséricorde de Dieu étant infinie et sa grâce inconditionnelle, il semble difficile de conditionner le pardon de Dieu par nos pardons envers les hommes.

5ème demande « Καὶ μὴ εἰσενέγκῃς ἡμᾶς εἰς πειρασμόν - et n'amène pas nous dans l'épreuve / la tentation ». Comment Dieu pourrait-il nous soumettre à l’épreuve ou la tentation, lui qui nous a créé et qui nous aime. En fait, le verbe utilisé signifie littéralement « amener dans/vers » et non « soumettre ». Pour nous, la véritable tentation, c'est de laisser tomber fasse à l'épreuve, d'arrêter de combattre, de se laisser faire, finalement de perdre la foi. Au contraire, Jésus nous appelle à persévérer dans la foi, à insister dans la prière, comme le fait l'ami importun dans notre texte du jour.

En nous enseignant sa prière adressée à Dieu, Jésus nous appelle à prier Dieu comme un Père, dans une relation pleinement personnelle avec lui, à lui faire une place à part dans nos vies, dans l'espérance de la venue de son Royaume en chacun de nous. Par la foi, nourrissons-nous chaque jour de la parole de Dieu et de sa présence, afin que notre vie soit remplie de sa volonté. Sachons accueillir son pardon. Sachons pardonner aux autres. Tenons bon face à l'épreuve et soyons résistants. Dans notre prière à Dieu, Soyons importun envers lui, comme cet ami du milieu de la nuit. N'hésitons pas à frapper à la porte de Dieu, car il nous ouvrira ! Osons chercher Dieu, car il nous trouvera ! Osons demander à Dieu, car il nous donnera ! Et remercions Dieu, rendons-lui grâce, pour tout ce qui nous est donné !

Amen.
Christophe