Prédication sur l'Évangile selon Marc 1, 12-15


Le baptême du Christ (Rembrandt van Rijn, 1660)
Le baptême du Christ

(Rembrandt van Rijn, 1660)
Culte du dimanche 22 février 2015
A l'Eglise Protestante Unie du
Saint-Esprit (75)


Prédication :

Chaque année, le premier dimanche du temps de Carême, le lectionnaire de l'Église Romaine choisit le même texte biblique, dit de la « tentation de Jésus au désert », afin d'introduire et d'expliquer les quarante jours du Carême. Oublions les privations, abstinences, pénitences, jeûnes, et autres pratiques traditionnelles du Carême, et revenons au texte de l'Évangile, afin d'y discerner ce que peuvent signifier pour nous aujourd'hui ces quarante jours, qui précèdent le dimanche de Pâques.

Ce récit dit de la « tentation de Jésus au désert » est raconté dans les trois évangiles synoptiques selon Matthieu, Marc et Luc, mais pas dans celui selon Jean. Autant les évangélistes Matthieu et Luc détaillent les tentations faites à Jésus par le satan ou le diable, respectivement en 11 et 13 versets, autant l'évangéliste Marc résume simplement le récit en un seul verset.

Vous avez peut être noté que, bien que le lectionnaire indique les versets 12 à 15, j'ai choisi d'élargir le passage à partir du verset 9. Car dans l'Évangile selon Marc, « le baptême de Jésus » et « la tentation de Jésus » sont si étroitement liés, qu'il ne faut pas les dissocier. En effet, lors du baptême de Jésus, le ciel s'ouvre, l'Esprit descend sur lui, une voix se fait entendre, puis dans le verset 12 « aussitôt l'Esprit le jette dehors dans le désert » lit-on littéralement dans le texte grec. Ainsi c'est le même Esprit qui successivement descend sur Jésus puis qui le jette dans le désert. Il y a donc un lien singulier entre le baptême et le désert.

Dans la bible, le désert, « e[rhmoß » en grec, désigne un lieu désolé, inhabité, mais aussi la solitude, l'abandon ou le délaissement. De fait, le désert présente plusieurs facettes dans les textes bibliques :

- Le désert est le lieu du vide, du rien, de l'absence de tout, mais il est aussi un lieu de la présence de Dieu, où les anges servent Jésus après qu'il ait été tenté, mis à l'épreuve.

- Le désert un lieu qu'on ne peut que traverser, dans lequel on ne peut pas rester, ni s'installer pour y vivre, mais il est aussi un lieu de rassemblement, dans lequel les foules convergent pour écouter Jésus.

- Le désert est le lieu de la soif et de la faim, de l'absence d'eau et de nourriture, mais il est aussi un lieu où Dieu nourrit ceux qui croient en lui, par la manne répandue, par les pains et poissons multipliés.

- Le désert est le lieu de la tentation et du face-à-face avec le satan « Satana'ß » ou diable « diavboloß », qui met à l'épreuve, calomnie, accuse, divise, mais il est aussi un lieu du baptême, où Jean baptise ses disciples et Jésus.

- Le désert est un lieu de la proclamation de la parole de Dieu, où elle est prêchée et même criée, mais il est aussi le lieu de la solitude, où Jésus se met à l'écart de la ville ou en retrait de la foule, afin de se retrouver seul avec soi-même ou avec ses disciples, pour méditer et prier.

Ce sont toutes ces facettes bibliques du désert que nous pouvons intégrer pendant ces quarante jours de préparation de Pâques. Mais il ne s'agit surtout pas d'avoir la prétention d'imiter Jésus dans le désert, ni de revivre et d'éprouver ce qu'il a vécu au désert, mais plutôt de créer ce désert en nous-même, oui, porter ce désert en nous pendant ces quarante jours :

- En nous-mêmes, nous pouvons faire de la place, du vide, du rien, de l'absence, afin qu'une part de nous devienne un désert lieu de la présence de Dieu. Pour cela, mettons de côté nos choses superflues et peu importantes, nos préoccupations, nos tracasseries, nos urgences que nous fabriquons.

- En nous-mêmes, nous pouvons aussi bousculer nos certitudes, nos préjugés, nos réflexes, nos habitudes, pour que notre vie ne se fige pas dans un lieu qui devienne aride, désolé et inhabitable, mais qu'elle s'inscrive dans un mouvement, un élan, une traversée.

- En nous-mêmes, nous pouvons aussi faire une place aux autres, nous tourner vers eux, afin qu'une part de nous devienne pour eux un désert lieu de rassemblement.

- Par notre propre désert, nous pouvons raviver notre soif et notre faim de la présence de Dieu, afin qu'il nous nourrisse de sa Parole de vie, comme la manne qu'il a donné, comme les pains et poissons qu'il a multiplié.

- Par notre propre désert, nous pouvons faire mémoire de notre baptême, reçu au nom du Père, du Fils et de l'Esprit.

- Par notre propre désert, nous pouvons être résistants aux tentations, aux épreuves, aux calomnies, aux accusations, aux divisions.

- Par notre propre désert, nous pouvons nous mettre en retrait de la foule, afin de se retrouver avec soi-même, pour méditer et prier.

- Par notre propre désert, nous pouvons nous mettre à l'écart du tumulte de la ville et du bruit de la société, afin de nous retrouver avec nos frères et sœurs en Christ, pour écouter et méditer les textes de la Bible.

- Par notre propre désert, nous pouvons aussi être témoin de la bonne nouvelle, de l'Évangile « eujaggevlion », être un désert lieu de la proclamation de la Parole de Dieu, comme Jésus, qui après son baptême et son passage au désert, appelle à se convertir et à croire en l'Évangile.

Voilà finalement tout ce que nous pouvons faire pendant ce temps de quarante jours, cet autre temps de l'avent de l'année chrétienne, ce temps de l'avent de Pâques.

Vraiment, pendant ce temps de préparation de Pâques, nous pouvons devenir en Jésus-Christ un véritable désert, lieu d'accueil joyeux, se tournant vers Dieu, se nourrissant de sa Parole, vivant dans sa grâce et sa paix, partageant et priant avec les frères et sœurs en Christ, s'ouvrant et allant vers les autres, afin de témoigner de l'Évangile dans la perspective de Pâques, de cheminer vers la passion et la résurrection de Jésus-Christ.

Amen.
Christophe